Démembrer une assurance-vie

Démembrer une assurance-vie : pourquoi faire ?

L’assurance-vie propose des avantages en matière de transmission du patrimoine. Pour aller encore plus loin, il est possible de démembrer une assurance-vie. De quoi s’agit-il exactement ? Comment ça fonctionne ? Et quels sont les pièges à éviter lors du démembrement de la clause bénéficiaire d’une assurance-vie ?

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À savoir :
  • Un démembrement de propriété consiste à partager la pleine propriété en deux parties : l’usufruit et la nue-propriété.
  • Il n’est pas possible de démembrer un contrat d’assurance-vie, par contre le démembrement de la clause bénéficiaire est autorisé.
  • Démembrer la clause bénéficiaire d’une assurance-vie permet de protéger son conjoint et d’optimiser sa succession.

Le démembrement de propriété : qu’est-ce que c’est ?

Avant toute chose, il est important d’expliquer ce qu’est un démembrement de propriété et dans quelles conditions il est utilisé. 

Le démembrement de propriété : définition

Démembrer un bien revient à séparer la pleine propriété en deux parties :

  • L’usufruit : usage du bien et perception des revenus éventuels ;
  • La nue-propriété : possession des murs pour un bien immobilier ou des titres pour un compte-titres.

Il est possible de démembrer tous types de placements. Le cas le plus connu, et certainement le plus simple, est celui du bien immobilier, mais il est également possible de démembrer un compte-titres ou même la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, comme nous le verrons plus loin dans l’article.

Démembrement : quand y avoir recours 

Le démembrement de propriété intervient généralement dans deux cas :

  1. Lors d’une succession, lorsqu’il y a un partage entre le conjoint survivant et les enfants par exemple. Le parent touche une partie de l’héritage en usufruit et ses enfants sont nus-propriétaires. À son décès, l’intégralité de la pleine propriété revient aux enfants.
  2. Lors d’une donation au cours de la vie d’un épargnant. Dans ce cas, l’idée est de profiter des abattements sur les donations pour minimiser les droits de succession futurs. Pour rappel, il est possible de donner 100.000€ par enfant et par parent tous les 15 ans, sans payer de droits de donation. Si le décès des parents n’intervient pas dans les 15 ans qui suivent le don, les droits sont acquis et il est possible de réaliser une nouvelle donation en exonération de droits, pour les mêmes montants.

Cette méthode vise à préparer la succession en transmettant des biens avant le décès en franchise de droits.

Démembrer une assurance-vie : le démembrement de la clause bénéficiaire

Moins connu que le démembrement d’un bien immobilier, le démembrement d’un contrat d’assurance-vie est pourtant possible. En fait, quand on parle de démembrement d’assurance-vie, il s’agit de démembrer la clause bénéficiaire. Techniquement, démembrer une assurance-vie est possible, mais cela revient à avoir deux souscripteurs au contrat (l’usufruitier et le nu-propriétaire). Le seul cas qui est autorisé pour avoir deux souscripteurs sur une assurance-vie est pour les conjoints mariés sous le régime de la communauté universelle. Démembrer le contrat en lui-même n’est donc pas admis.

En quoi consiste le démembrement de la clause bénéficiaire ? Clairement, cela ne change rien pendant que le souscripteur est en vie, mais le contrat va avoir un dénouement en 2 temps :

  • Au décès du souscripteur : une répartition est faite entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. Il va s’agir ici d’un quasi-usufruit. Cela signifie que l’usufruitier a la jouissance des intérêts, mais également du capital. Le nu-propriétaire ne va rien toucher. Les droits de succession (s’il y en a) sont payés à ce moment par l’usufruitier et le nu-propriétaire.

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À noter
Si l’usufruitier est le conjoint survivant, il n’a pas de droits à payer. En effet, l’intégralité des assurances-vie est transmise au conjoint sans droits de succession.

  • Au décès de l’usufruitier : le nu-propriétaire récupère la totalité du capital sans droits de succession à payer. Si l’usufruitier a dépensé l’argent touché lors du décès du souscripteur, une créance du même montant est accordée au nu-propriétaire sur la succession.

Concrètement, comment ça fonctionne ?

Au décès du souscripteur du contrat, un partage est effectué entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Celui-ci est réalisé en fonction de l’âge de l’usufruitier. Un pourcentage du capital va donc être attribué à chacun des bénéficiaires du contrat, usufruitier et nu(s)-propriétaire(s), en fonction d’un tableau de répartition défini par l’administration fiscale.

Tableau de répartition entre usufruit et nue-propriété :

Âge de l’usufruitier (moins de )Valeur de l’usufruitValeur de la nue-propriété
21 ans90%10%
31 ans80%20%
41 ans70%30%
51 ans60%40%
61 ans50%50%
71 ans40%60%
81 ans30%70%
91 ans20%80%
+ 91 ans10%90%
Source : service-public.fr - 12/2022

Cette répartition est décrite dans l’Article 669 du code général des impôts

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Exemple :
Un souscripteur a versé 250.000€ sur un contrat d’assurance-vie. Dans la clause bénéficiaire du contrat, il désigne sa femme comme usufruitière du contrat et son fils nu-propriétaire.
À son décès, sa femme est agée de 75 ans. C’est cet âge (âge de l’usufruitier) qui va permettre d’effectuer la répartition. La valeur de son usufruit est de 250.000€ * 30% = 75.000€ La valeur de la nue-propriété est de 250.000€ * 70% = 175.000€

Démembrement de la clause bénéficiaire et quasi-usufruit

Dans le cadre du démembrement de la clause bénéficiaire de l’assurance-vie, l’usufruit est ce qu’on appelle un quasi-usufruit. Cela signifie que l’usufruitier va toucher l’intégralité du capital et des intérêts. Au moment de son propre décès, il devra donc restituer au nu-propriétaire la valeur exacte de ce qu’il a touché (dans notre exemple, 250.000€). 

Au décès du souscripteur, le nu-propriétaire ne touche rien du capital. Il bénéficie cependant de ce que l’on appelle une créance de restitution sur la succession de l’usufruitier. En effet, si l’usufruitier a dépensé une partie ou la totalité du capital qu’il a touché de son vivant, le nu-propriétaire aura un droit prioritaire pour récupérer le capital au moment de la succession de l’usufruitier, sans droits de succession.

Cette particularité doit bien être tracée et indiquée dans une convention de quasi-usufruit au moment du dénouement du contrat d’assurance-vie (à savoir au décès du souscripteur). Cette convention peut être réalisée soit par acte notarié, soit par acte sous-seing privé enregistré. En effet, en cas de perte de l’information, le capital est réintégré au patrimoine de l’usufruitier. Le nu-propriétaire pourrait alors avoir à payer des droits de succession sur une somme qui lui revient de droit.

Pourquoi démembrer une assurance-vie ? 

Le démembrement d’assurance-vie est en général utilisé dans le cadre d’une stratégie de gestion de patrimoine en vue de préparer la transmission. C’est une opération simple en soi, mais qu’il faut bien préparer et réaliser. En effet, la totalité du patrimoine et la situation familiale doivent être prises en compte pour s‘assurer de sa pertinence. Les épargnants se font en général accompagner par un conseiller en gestion de patrimoine ou un notaire pour démembrer leur assurance-vie.

Il existe deux objectifs principaux au démembrement d’une assurance-vie.

Démembrer une assurance-vie pour protéger son conjoint

L’idée est de transmettre un capital à son conjoint. Au décès du souscripteur, le conjoint survivant reçoit l’usufruit du contrat sous forme d’un capital dont il peut disposer. Ce capital peut lui permettre de régler des frais courants, en particulier si le reste du patrimoine est immobilisé (en immobilier par exemple). Une autre personne (généralement un ou plusieurs enfants) se voit dotée de la nue-propriété. Le partage entre usufruitier et nu-propriétaire est fait, mais seul l’usufruitier touche le capital. Le nu-propriétaire ne touchera le capital total, en pleine propriété, qu'au décès de l’usufruitier. 

Démembrer une assurance-vie pour optimiser sa succession 

Démembrer la clause bénéficiaire de l’assurance-vie peut permettre de réduire les droits de succession. Cette option est particulièrement intéressante pour les personnes proches de l’exonération de 152.500€ par bénéficiaire. 

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Prenons un exemple pour illustrer ce point :
Un épargnant détient 250.000€ sur son assurance-vie, dont les versements ont été effectués avant ses 70 ans. Il a désigné sa femme usufruitière et son fils nu-propriétaire dans la clause bénéficiaire. Sa femme est âgée de 75 ans au décès de son mari.
La valeur de l’usufruit est de : 250.000€ * 30% = 75.000€ La valeur de la nue-propriété est de : 250.000€ * 70% = 175.000€ L’abattement pour l’exonération des droits de succession est calculé au prorata des droits attribués, donc 152.500€ * 70% = 106.750€. Le nu-propriétaire devra payer des droits sur 175.000€ - 106.750€ = 68.250€, au taux de 20%, soit 13.650€. La conjoint usufruitier est exonéré des droits de succession sur l’assurance-vie.

Au décès du souscripteur du contrat, l’opération ne semble donc pas très intéressante pour le fils. Cependant, au décès de sa mère, son usufruit lui reviendra automatiquement, sans droits de succession supplémentaires. 

Au final, la transmission de la totalité du contrat, soit 250.000€, aura coûté 13.650€ en droits de succession.

Quel aurait été le calcul sans le démembrement de la clause bénéficiaire ?

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Prenons l’hypothèse que le fils soit le seul bénéficiaire du contrat d’assurance-vie.
Il aurait bénéficié des 152.500€ d’abattement au décès de son père.
250.000€ - 152.500€ = 97.500€ auraient donc été soumis aux droits de succession de 20%, soit un montant de 97500€ * 20% = 19.500€.

Sur cet exemple, il y a une économie de 5.850€ de droits de succession entre l'option avec démembrement et sans démembrement. Sur le papier, ce calcul est intéressant. Cependant, il faut bien s’assurer que le ou les nus-propriétaires auront les fonds nécessaires pour payer les droits de succession s’il y en a. En effet, ils ne toucheront leur partie du capital qu’au décès de l’usufruitier.

Pour pallier ce problème, il est possible d’indiquer dans la clause bénéficiaire que les éventuels droits de succession à payer seront prélevés sur le capital de l’assurance-vie dès le premier décès. Dans ce cas, l’usufruitier touche le capital moins les droits de succession au décès du souscripteur.

Quels sont les risques du démembrement de l’assurance-vie ?

Comme toute opération de gestion patrimoniale, démembrer la clause bénéficiaire d’une assurance-vie peut présenter certains risques. Toutefois, un bon accompagnement par des professionnels permet de cadrer l’opération et de limiter les risques encourus.

La dilapidation du capital

Le principal risque de démembrer une assurance-vie est que l’usufruitier dépense la totalité du capital et ne soit pas capable de couvrir sa créance de restitution auprès du ou des nu-propriétaires à son décès. Dans ce cas, le risque est que les nus-propriétaires ne touchent pas le capital qui leur est dû au moment du second décès.

Pour éviter cela, il est possible de prévoir une clause de réemploi dans la clause bénéficiaire. Cela signifie que le souscripteur du contrat peut décider, de son vivant, du devenir du capital de son assurance-vie après son décès. Il peut, par exemple, demander à ce que l’usufruitier achète un bien immobilier avec le capital reçu. Cela permet de lui faire bénéficier des loyers et de lui procurer un revenu complémentaire, tout en préservant le capital pour les nus-propriétaires.

Une mauvaise rédaction de la clause bénéficiaire

Un autre risque du démembrement de la clause bénéficiaire est la mauvaise rédaction de celle-ci. Si elle n’est pas suffisamment claire, ou juste mentionnée sur le contrat, de mauvaises interprétations sont possibles. Pire, le notaire pourrait ne pas en avoir connaissance et ne pas effectuer l’enregistrement de la créance de restitution. Dans ce cas, le nu-propriétaire aurait à payer des droits de succession sur un capital qui lui revient de droit lors de la deuxième succession.

Comment faire pour démembrer une assurance-vie ?

Rédiger une clause bénéficiaire démembrée n’est pas un acte anodin. Les conséquences sont importantes pour les bénéficiaires du contrat. Une grande attention doit donc y être apportée.

Il est préférable de se faire conseiller par un notaire ou un conseiller en gestion de patrimoine, en particulier s’il y a une clause de réemploi. Comme nous l’avons vu, les risques sont réels et les sommes en jeu importantes. Ainsi, cela permet d’éviter tout problème de mauvaise interprétation ou surtout de léser les nus-propriétaires. Même s’il est possible d’envoyer une lettre simple à sa compagnie d’assurance pour enregistrer le démembrement de la clause bénéficiaire, il est fortement recommandé de passer par un acte sous-seing privé ou un acte authentique devant notaire pour réaliser le démembrement.

Au décès du souscripteur, et donc à la première étape du dénouement du contrat, il est également essentiel de faire rédiger chez un notaire la créance de restitution de l’usufruitier. Ce document garantit au nu-propriétaire qu’il pourra toucher l’intégralité du capital au décès de l’usufruitier, sans devoir payer de droits de succession supplémentaires.

FAQ - Questions fréquentes

Quel est le coût d’un démembrement d’assurance-vie ?

Quel est l’avantage de démembrer la clause bénéficiaire d’assurance-vie ?

Qu’est-ce qu’une créance de restitution ?

Qu’est-ce qu’un quasi-usufruit ?